Le dernier référundum
Il y a dix-neuf ans, près de 55% de nos compatriotes ont rejeté le projet d’établissement d’une Constitution pour l’Europe. Par ce vote, ils ont exprimé leur refus de limiter leur liberté collective et de transférer le pouvoir à un échelon supérieur, se fondant dans un hypothétique peuple européen et se soumettant à un pouvoir très réel et antidémocratique à Bruxelles. Nos concitoyens ne voulaient pas reléguer la Nation et la République françaises aux oubliettes.
Depuis lors, aucun autre référendum concernant l’Union européenne n’a été organisé. Est-ce normal d'après vous ? Malgré le fait que 63% des citoyens français souhaitent un référendum sur des questions européennes cruciales (sondage IFOP – février 2022), leur voix reste étouffée. Le dernier référendum national en France remonte à 2005. Notre génération n’a jamais eu l’occasion de voter lors d’un référendum. Toutefois, nous percevrons les élections européennes du 9 juin comme un référendum par procuration.
Le référendum du 29 mai 2005 n’était pas un simple vote ; c’était une expression claire et forte de la volonté populaire. Pourtant, cette décision démocratique a été ouvertement bafouée lorsque le traité de Lisbonne a été ratifié par le Parlement français en 2008, contournant ainsi le consentement direct du peuple. Cet acte de trahison ne s’est pas contenté d’ignorer les 55% de Français qui avaient voté "Non", il a également miné les fondements mêmes de la démocratie.
La ratification parlementaire du traité de Lisbonne, bien que juridiquement valide, symbolisait une profonde déconnexion entre les élites politiques et l’électorat. Malgré le fait que 70% des Français aient exprimé le souhait d’un nouveau référendum, leurs voix ont été ignorées. Ce mépris pour la volonté populaire n’a fait qu’approfondir la méfiance entre le peuple et ses dirigeants.
Le "Non" de 2005 a été l’aboutissement d’une campagne caractérisée par une propagande intense en faveur du "Oui". Une vaste coalition de la classe dirigeante, composée d’éditorialistes, d’experts et d’élus, avait déployé des efforts considérables pour convaincre les Français que refuser ce traité mènerait à la catastrophe. La rhétorique employée suggérait que le choix du "Oui" était non seulement le seul choix rationnel, mais aussi l'inévitable direction de l’histoire. Cette coalition promettait des scénarios apocalyptiques en cas de rejet, allant jusqu’à évoquer des risques de guerre et de famine, dans une tentative d’intimider l’électorat.
Cependant, face à cette campagne de peur, la campagne du "Non" s’est distinguée par son courage et son efficacité. À droite, une équipe déterminée s'est affirmée comme le fer de lance du "Non" souverainiste. Philippe de Villiers, accompagné du député européen Paul-Marie Coûteaux, de la députée apparentée UMP Christine Boutin et du député gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, a mené une campagne offensive et résolue. Ensemble, ils ont su aborder des thèmes qui ont trouvé un écho favorable auprès de la population française.
Sous la direction de campagne de Guillaume Peltier, cette équipe a réussi à critiquer avec pertinence des enjeux cruciaux, comme l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, et a utilisé des symboles puissants tels que le "plombier polonais" et la "directive Bolkestein-Frankenstein" pour illustrer les dangers perçus dans le traité.
Le rejet par les Français du Traité constitutionnel européen était avant tout une affirmation de la souveraineté nationale. Il s’agissait d’un refus catégorique de céder à une autorité supranationale qui privilégie les décisions bureaucratiques au détriment de la volonté démocratique des citoyens. La crise du Covid-19 a mis en lumière les failles de cette approche centralisée, entraînant des conséquences désastreuses pour les systèmes de santé publique et une dépendance économique accrue.
Une question de souveraineté
La souveraineté, tout comme la démocratie et la liberté, est indivisible. On ne peut pas partiellement déléguer la souveraineté sans compromettre l’intégrité de ces principes fondamentaux. Il n’y a pas de demi-mesure : soit on confie le pouvoir ultime au peuple, soit on impose des décisions prises par des entités éloignées de la réalité quotidienne des citoyens.
Alors que la France traverse une crise politique indéniable, il est crucial de se tourner vers les enseignements du passé pour construire un avenir plus résilient et indépendant. Le vote de 2005 constitue un socle sur lequel nous devons nous appuyer pour envisager un monde post-crise. La question de la souveraineté nationale est plus pertinente que jamais. Les décisions récentes et les tendances fédéralistes promues par les élites ne doivent pas nous détourner de notre objectif de préserver l'autonomie et l'identité de nos nations.
La souveraineté nationale ne peut être négociée ou diluée au nom d’un quelconque fédéralisme européen. Il est impératif que nous réaffirmions la primauté de nos Constitutions et de nos lois nationales face aux pressions externes. Comme l'a montré la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, il est possible et nécessaire de défendre les intérêts nationaux contre les tentatives de centralisation excessive au niveau européen.
Après la seconde guerre mondiale, le Conseil national de la Résistance avait su non seulement restaurer la souveraineté de la nation, mais aussi lui donner une direction claire et concrète. Aujourd’hui, nous devons retrouver cet esprit de résistance et d’unité. Les vrais démocrates, ceux qui croient fermement en un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, doivent s'unir autour d'un programme de renouveau national.
Ce programme doit viser à servir l’intérêt général, non pas celui des technocrates bruxellois, mais celui des citoyens. La crise actuelle, aussi grave soit-elle, doit être perçue comme une opportunité de reprendre en main notre destin et de réaffirmer notre souveraineté. Utilisons cette période de bouleversement comme une chance pour redéfinir notre avenir, renforcer notre indépendance et rétablir la confiance des citoyens dans nos institutions démocratiques. Seule une nation souveraine, assurée de son identité et de son autonomie, peut espérer offrir à ses citoyens un avenir prospère et juste.
Le désir des Français de s’exprimer par référendum reste fort. Le mouvement des Gilets jaunes, apparu en 2018, a mis en lumière la demande pour le Référendum d’initiative citoyenne (RIC), inspiré des pratiques suisses. Le RIC visait à permettre à chaque citoyen de proposer des lois, de demander l’abrogation de lois existantes, de révoquer des élus, de modifier la Constitution et d'approuver ou de rejeter des traités. Cependant, cette demande n’a jamais été concrétisée. À la place, le Référendum d’initiative partagée (RIP), introduit par la révision constitutionnelle de 2008, reste en vigueur. La procédure complexe du RIP, qui n’a jamais abouti, nécessite d'abord une proposition initiale par au moins un cinquième des membres du Parlement, suivie d’une validation par le Conseil constitutionnel, puis la collecte de signatures de 10% de l’électorat — un seuil jamais atteint, même lors du RIP contre la privatisation des Aéroports de Paris.
Le référendum sur le Brexit de juin 2016 sert de parallèle poignant au dernier référendum français de 2005. Les leaders du camp pro-Brexit, tels que Boris Johnson et Michael Gove, ont électrisé les foules en présentant le vote comme une bataille entre le "vrai peuple" et les "eurocrates et les élites". Cette rhétorique a profondément résonné avec une population fatiguée d’être dictée par une bureaucratie lointaine et irresponsable. Le sentiment de reprendre le contrôle était un puissant moteur, reflétant une insatisfaction plus large avec la direction et la gouvernance de l’Union européenne.
Les réactions des élites au Brexit étaient révélatrices. Comme l’a théorisé Christopher Lasch dans son œuvre "The Revolt of the Elites" (1996), ce sont les élites qui vivent désormais dans un splendide isolement, détachées des réalités des citoyens ordinaires. Cela était évident après le vote du Brexit, où les élites urbaines, en particulier à Londres, ont exprimé leur choc et leur désarroi face à la décision prise par l’électorat plus large. Elles ont pétitionné pour un autre référendum, montrant un mépris clair pour le processus démocratique lorsqu’il ne correspondait pas à leurs préférences.
En France, nous assistons à une déconnexion similaire. Chaque jeune conservateur français est pleinement conscient du remplacement du drapeau français par le drapeau européen, un changement qui rappelle le récit du jeune Roger Scruton à Paris le 8 mai 1968, ressentant vivement les bouleversements culturels et politiques de son temps sans y souscrire. L’Union européenne actuelle, avec ses excès bureaucratiques et ses déficiences démocratiques, est de plus en plus perçue comme une force distante et irresponsable, déconnectée des peuples qu’elle prétend servir.
Les élites européistes, souvent non élues, sont sont totalement coupées des réalités quotidiennes des citoyens. À l’image d’Ursula von der Leyen, qui se considère légitime et intouchable, négociant des accords d’une valeur de plus de 35 milliards d’euros avec le PDG de Pfizer directement par SMS, sans aucune transparence, et refusant de les dévoiler par la suite, alors que ces contrats concernent à la fois la santé et les finances des Européens. Ou encore, Thierry Breton, menant une guerre contre Elon Musk sur la base d'une définition bruxelloise de la liberté d'expression.
Il est temps de redonner la parole au peuple. Un référendum sur des questions européennes importantes ne serait pas seulement un exercice démocratique mais une nécessité. Cela permettrait au peuple d’exprimer sa volonté sur des questions de profonde importance nationale, à l’abri de la manipulation et du contournement qui ont caractérisé la période post-2005.
Alors que nous nous approchons des élections européennes du 9 juin, considérons les comme un référendum par procuration, une chance pour le peuple de se faire entendre et de réaffirmer son engagement envers les principes de souveraineté, de démocratie et d’indépendance nationale. Les leçons de 2005 et du Brexit sont claires : le peuple doit avoir le dernier mot. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer restaurer la confiance dans nos institutions démocratiques et tracer une voie vers un avenir plus juste et prospère.
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